Un nouveau système d’alerte aux requins blancs est en voie d’élaboration

Par Michael MacDonald, La Presse Canadienne 3:10 PM - 16 juin 2024
Temps de lecture :

Un panneau met en garde les usagers de cette plage de Wellfleet, au Massachusetts contre la présence de requins blancs dans les eaux. LA PRESSE CANADIENNE/AP Charles Krupa

Devant les preuves d’une plus grande présence du grand requin blanc au large de la côte est canadienne, les autorités sont en train d’élaborer un premier système de mise en garde sur les plages.

Fred Whoriskey, directeur de l’Ocean Tracking Network de l’Université Dalhousie à Halifax, dit que la population de ces grands prédateurs des mers semble avoir augmenté après la mise en place de bonnes mesures de conservation et un plus grand approvisionnement alimentaire.

Il reconnaît que les autorités ignorent cependant le nombre de requins blancs qui sillonnent les eaux du nord-ouest de l’océan Atlantique.

M. Whoriskey raconte avoir parlé à plusieurs pêcheurs de homards qui disent n’avoir jamais observé une telle population depuis 40 ou 50 ans. Il ajoute que cela signifie sans doute que ces animaux sont en train de revenir dans des secteurs qu’ils avaient désertés.

Le grand requin blanc a été inscrit à titre d’espèce en voie de disparition à la Loi sur les espèces en péril (LEP) par le Canada en 2011. Aux États-Unis, ce poisson est protégé depuis 1994. Des études avaient démontré que sa population avait diminué de jusqu’à 80 % en raison des pratiques de pêches dans les années 1970 et 1980.

En Nouvelle-Écosse, les autorités prévoient imiter le Massachusetts et le Maine qui ont mis en place un système de mise en garde sur ses plages, notamment avec des drapeaux, à la suite d’une attaque de requin blanc à Cape Cod en 2018 et dans la baie de Casco en 2020.

Un système d’alerte serait mis en place sur une dizaine de plages publiques dès cet été. Des panneaux seront sans doute installés, mais ils ne seront pas aussi terrifiants que ceux mis en place aux États-Unis sur lesquelles on peut voir un grand requin aux dents acérées et au regard vide.

Le hic d’un tel système, constate M. Whoriskey, c’est que ces pancartes sont souvent volées ou vandalisées. Il préfère l’installation de plus petits panneaux comprenant un code QR qui permettait aux détenteurs d’un cellulaire à télécharger des renseignements détaillés.

«Il est bien de s’informer des risques, comme on le fait pour la circulation, souligne-t-il. Obtenir de l’information pour limiter les conflits entre les humains et la faune est toujours une bonne chose.»

M. Whoriskey collabore avec la Société de sauvetage de la Nouvelle-Écosse, un organisme sans but lucratif qui supervise le travail de sauveteurs surveillant une vingtaine de plages. Chaque été, jusqu’à 500 000 personnes se rendent à un de ces endroits.

Le site internet de l’organisme recommande notamment de ne pas se baigner à l’aube, au crépuscule ou pendant la nuit, au moment où le grand requin blanc se nourrit.

De son côté, Stephen Crawford, professeur de biologie intégrée à l’Université Guelph, défend depuis plusieurs années la mise en place d’un système d’alerte. Il souhaite aussi que les sauveteurs soient équipés d’une trousse de premiers soins conçue pour soigner les morsures de requin.

«Peu importe les dangers que représente n’importe quel animal sauvage, les humains qui pénètrent dans son environnement ont un droit légal et juridique d’en connaître les risques», dit -il.

Il cite, à titre d’exemple, Parcs Canada et ses bulletins en ligne, ses brochures et ses panneaux d’avertissement pour mettre en garde les usagers contre les serpents, les coyotes et les ours.

Toutefois, l’agence fédérale n’a pas l’installation d’installation des panneaux contre les requins sur les plages qu’elle gère.

«Le requin blanc de l’Atlantique est une espèce en péril. Les chances d’en voir un, ou même d’en rencontrer un sont très minces», a dit un porte-parole de Parcs Canada, Adam Young, dans un courriel.

 Le Pr Crawford juge qu’une telle stratégie est malavisée étant donné que le statut d’espèce en péril dont bénéficie le requin blanc est fondé sur des données limitées.

«Selon les Autochtones et les experts locaux auxquels j’ai parlé du Maine jusqu’au Québec, la migration annuelle de requin blanc a augmenté de façon importante au cours des 10 dernières années», avance-t-il. 

Il souhaite la mise en place de panneaux d’avertissement dans les quatre provinces de l’Atlantique et au Québec.

En Nouvelle-Angleterre, en plus des panneaux signalant la présence de requins blancs, une application de localisation nommée Sharktivity a été créée.

«Nous savons par expérience que les gens ne savent pas combien ils peuvent nager près des requins quand ceux-ci chassent des phoques ou mangent des poissons», constate John Chisholm, un scientifique de l’Aquarium de la Nouvelle-Angleterre, à Boston.

Il mentionne qu’un grand nombre de requins balisés par l’aquarium vont jusqu’au Québec en passant par la baie de Fundy, le détroit de Cabot et le golf du Saint-Laurent. «Ce secteur est l’habitat du requin blanc. C’est un point que les gens doivent savoir. L’animal a toujours vécu là et sa population augmente sans cesse.»

Selon l’Observatoire de requins du Saint-Laurent, la dernière attaque mortelle d’un requin contre un humain dans les eaux canadiennes remonte à juillet 1953. Un requin avait alors attaqué un bateau d’un pêcheur de homard, le faisant chavirer. Personne n’avait été mordu, mais un marin s’était noyé.

«Le fait est que nous ne sommes pas sa proie de prédilection. Si cela était le cas, le requin blanc tuerait plus de personnes», souligne M. Whoriskey.

Partager cet article